La phase terminale du conflit syrien
Tout change en Syrie. L’opposition est désormais unie derrière un chef, Ahmad Maaz Al-Khatib, désigné comme l’interlocuteur privilégié des capitales occidentales et moyen-orientales. Certes la reconnaissance extérieure ne lui confère aucune reconnaissance intérieure (déjà contestée par des rebelles syriens) mais elle permet à l’opposition syrienne de rassurer ses défenseurs. Reconnu hier par la France, le transfert d’armes ne sera plus de l’ingérence mais une aide à un pays ami. De plus, l’opposition a entamé un dialogue avec l’Iran, dernier véritable allié d’el-Assad. Plus que jamais, le leader syrien est isolé car sans le soutien financier et logistique iranien, son trône chancelle.
On dirait que le soleil chasse les nuages. Pas toujours. Car dans le même temps, la Syrie échange des tirs frontaliers avec Israël sur le plateau du Golan (conquis par Israël en 1967 puis annexé) et avec la Turquie au Nord. Au terrible conflit intérieur s’ajoutent deux conflits extérieurs majeurs et plusieurs micro-conflits (Liban et Jordanie). La région, fragile, est déstabilisée et par effet domino, les tensions affleurent de nouveaux : Israël bombarde la bande de Gaza en réplique à des missiles et a réussi à abattre le chef du Hamas il y a quelques heures. L’escalade de violence redoutée devient inéluctable.
Ces événements rappellent le triple enjeu de la crise syrienne :
1) Un enjeu national de changement de régime potentiel : islamisme conservateur ou islamisme rigoriste ? La longueur de la lutte radicalise les positions des opposants, oubliés des Occidentaux démocrates.
2) Un enjeu confessionnel entre chiites (les alaouites d’Assad) soutenus par l’Iran et sunnites (majoritaires en Syrie) aidés par l’Arabie Saoudite et le Qatar.
3) Un enjeu régional : se joue dans ce conflit la stabilité du Proche-Orient. Les récents regains de tensions aux frontières avec la Turquie sur la question kurde, les violences israélo-palestiniennes à Gaza, les bombardements israélo-syrien sur le plateau du Golan ravivent des rancœurs non éteintes. Ajoutons que si l’opposition syrienne échoue dans sa conquête du pouvoir, la « révolution arabe » ayant porté les islamistes conservateurs au pouvoir en Egypte et en Tunisie sera contestée pour une probable radicalisation.
Cette concordance des enjeux confère à ce conflit un risque mondial. Les risques sur les matières premières à l’heure d’une raréfaction des ressources, la potentialité d’une radicalisation des revendications ranimant le terrorisme antioccidental, l’explosion du dossier nucléaire iranien et l’imbrication d’un conflit confessionnel et d’un conflit israélo-palestinien ont fait du problème syrien le point stratégique de l’année 2013.
Bachar el-Assad l’a bien compris. Et à l’heure où l’opposition se renforce et où ses derniers alliés désertent, il tente le tout pour le tout en dynamitant toutes ses frontières et déstabilisant la région pour prouver au monde que si son régime tombe, plus rien ne garantira l’inviolabilité des frontières. Il espère au fond qu’Israël demande aux Etats-Unis de relâcher la pression sur son régime de peur d’un embrasement stratégique fatal. Tout change en Syrie. L’inquiétude et l’espérance se côtoient sans se renier. Nous entrons dans la dernière phase : pour combien de temps ?